Le Corbeau et le Goupil

 

Il advint, la chose est bien possible,

qu'un corbeau vola

devant la fenêtre

d'un garde-manger ; il aperçut

des fromages qui étaient à l'intérieur,

posés sur une claie.

Il en prit un, et s'enfuit avec.

Un goupil passait, qui l'épia ;

il eut grand désir de manger sa part du fromage.

Il voudra essayer par ruse

d'enjôler le corbeau.

"Ah ! seigneur Dieu, fait-il,

comme cet oiseau est gentil !

Il n'y a au monde tel oiseau,

de mes yeux je n'en vis plus beau.

Si son chant était comme son corps,

il vaudrait mieux qu'or fin."

Le corbeau s'entendit si bien vanter

qu'il n'y avait son pareil au monde,

qu'il résolut de chanter.

En chantant il perdra rien à sa renommée.

Il ouvrit le bec et commença :

le fromage lui échappa

et ne put faire autrement que tomber à terre.

Le goupil s'empresse de le saisir.

Après il n'avait cure du chant du corbeau,

car il avait satisfait son envie du fromage.

 

Cet exemple s'applique aux orgueilleux

qui convoitent grande renommée.

Par flatteries et par mensonges

on peut les servit à leur grè ;

ils dépensent follement ce qu'ils ont

pour être loués des gens.